La perspective, selon Robert Mitchum

Dans mes trésors photographiques, il y a cette série de diapositives trouvées dans les archives de mon père. Ce dernier avait eu l’idée de rencontrer des stars du cinéma et de leur faire raconter leurs meilleurs amis. Quand je dis « stars », je devrais plutôt parler de légendes : Robert Mitchum, Gregory Peck, Anthony Quinn et Peter Ustinov croisèrent le chemin de Papa – que nous appellerons Patrice – et racontèrent leurs plus fidèles amitiés.
En 1989, Patrice rencontra l’immense Robert Mitchum. L’attaché de presse autorisa 30 minutes d’interview. On pensait parler du film de Georges Lautner, Présumé Dangereux, dans lequel jouait Mitchum et qui, à ma connaissance, n’est pas classé comme un chef d’oeuvre… Patrice ne respecta absolument pas la règle imposée et posa sa question à la star hollywoodienne. A savoir, si à Hollywood, on pouvait avoir un pote. Mais un vrai, pas un truc de cinéma justement… L’entretien dépassa allègrement les trente minutes imposées pour finalement, durer trois heures.
Robert Mitchum, en 1989

Pendant un dîner familial, Papa nous raconta sa rencontre avec Mitchum. Son regard était brillant, sa voie émue. Je le comprenais. Je partageais même cette joie presqu’enfantine. L’équivalent, de nos jours, serait de partager un chouette moment, amical et détendu, avec Tom Hanks, Steven Spielberg ou Robert Redford… Ça vous donne une idée…

Comme je l’écrivais, Mitchum avait participé au dernier film tourné par Georges Lautner, Présumé Dangereux, un film d’action et d’espionnage. Au générique figurait Michael Brandon, devenu populaire avec la série Mission Casse-cou, la jeune Sophie Duez, et bien sûr, Robert Mitchum.

Mon père et lui se rencontrèrent, me semble-t-il, au Royal Deauville, le légendaire palace de la station estivale.

Robert  Mitchum et Patrice
Robert Mitchum et mon père.
Photo : Hugues Vassal

A la question posée par Patrice, à savoir si Mitchum avait un vrai pote, l’acteur n’hésita pas une seconde et répondit : « – John Huston. » Les deux hommes avaient le même goût prononcé pour l’alcool. Sur ce point, Mitchum avoua à mon père qu’il exigeait des cargaisons impressionnantes de whisky avant chaque tournage, dans l’espoir de ne pas tourner. Mais peine perdue, tous ses caprices étaient exaucés, les producteurs ne reculant rien pour décrocher la gueule singulière de l’acteur.

Robert Mitchum révéla également à Patrice un secret de tournage d’un de ses plus grands films : la nuit du Chasseur. Réalisé en 1955 par Charles Laughton, ce film glaçant, voire cauchemardesque traite du thème serial killer. Je ne sais plus trop à quel moment on voit Mitchum arriver de loin, en ville sur son cheval. D’ailleurs, je ne suis même pas sûr qu’il s’agisse d’une scène de La nuit du chasseur. A cette époque, les caméras ne savaient pas filmer les perspectives. L’américain expliqua que le réalisateur avait placé un nain sur un âne. Habillé comme Mitchum, noyé dans des nuages épais de fumée simulant le brouillard, l’illusion fut parfaite : personne ne vit quoique ce soit.

Mitchum raconta d’autres belles histoires à mon père, pour le coup, enchanté. Notamment l’histoire d’un autographe de Cary Grant pour une hôtesse de l’air… Il faut savoir que Grant refusait systématiquement de signer des autographes. Là, pourtant, l’hôtesse de l’air eut son autographe. Grâce à Mitchum. Je vous vois venir : mais quelle est cette histoire ? Vous n’avez qu’à demander, je vous la raconterai bien volontiers…

À la suite de cet entretien chaleureux, papa, plus motivé que jamais, eut l’idée d’aller demander à d’autres légendes hollywoodiennes si elles avaient des copains de toujours et d’avant. C’est ainsi que Patrice rencontra Gregory Peck – qui invita mon père à venir le voir dans son ranch – Anthony Quinn et Peter Ustinov.

Aujourd’hui, retrouver ces photos vieilles de trente ans me plongent dans cette époque merveilleuse et si particulière d’un père – qui me manque chaque jour un peu plus – épatant son fils.

Tout de même, je ne partirai pas sans taquiner un peu mon vieux. Regardez les deux dernières photos avec Gregory Peck. Notamment la dernière…

Sans blaguer ? Des chaussettes blanches ? Maman n’avait pas dû faire gaffe. Elle n’aurait jamais laissé passer ce détail.

I love you. All of you. And Lulu.

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