Du Rififi à Pigalle

Je vous parle d’un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître. Pigalle, en ce temps là, étendait ses voyous jusque sous les fenêtres… Si aujourd’hui, la célèbre place est un refuge pour bobos, son nom reste associé à la violence et la prostitution, la drogue et les règlements de comptes, conséquence d’une époque réelle où tout se réglait à coups de flingues. Je ne sais pas trop pourquoi mais je suis reparti sur les traces de ces mauvais garçons. Sans le faire exprès. Au fur et à mesure de mes promenades, l’idée d’un livre sur Pigalle s’est progressivement installée. Pourquoi donc ? Beaucoup d’auteurs – et des biens plus talentueux que votre serviteur – ont prêté leurs plumes pour décrire la noirceur de Pigalle. J’essaye juste de dessiner une carte. Celle du crime et des règlements de compte. J’avoue. Entre les restaurants vegans et les bars bios, il est difficile d’imaginer que tous ces endroits étaient à la base des bars à filles, tenus par des hommes dont l’intelligence pouvait se résumer à dégainer plus vite que la moyenne… Bienvenue dans un monde aujourd’hui pratiquement disparu. Il y avait des filles, de la drogue et des salauds. Il y avait du rififi à Pigalle.

Dans les années 90, j’exerçais mes talents d’improvisateur au sein du regretté Carré Blanc, situé rue Fontaine, dans le 9ème arrondissement de Paname. Je ne vous parlerais pas d’André Breton qui y installa le centre du surréalisme – je sais que ça n’éveillera pas grand chose, j’ai fâché quelqu’un ? 🙂 – mais plutôt de l’environnement. Parce que la rue Fontaine, c’était – et c’est toujours – Pigalle. La Pigalle mystérieuse et sanglante, sombre et criminelle que tous les romanciers et journalistes ont raconté sur le papier, pour ne pas dire célébrer, les exploits de Pierrot le Fou, Émile Buisson, Papillon, Jo Attia et d’autres… La légende retiendra d’eux des bandits au grand cœur, à la gâchette toujours facile mais peut-être justifiée, pouvait-on lire. En vérité, c’était une belle brochette de salopards.

Aujourd’hui, Pigalle conserve quelques souvenirs bien visible de ce passé sanglant. Ils s’affichent volontiers à l’œil du promeneur, pour peu que celui-ci sache les chercher.

C’est d’abord Carmelo, restaurateur sicilien, à la retraite, qui me montre une porte d’immeuble et me dit, de sa voix cassée par les années :  » Tu vois, Jubin a chopé la fille de Jo Attia ici… ». Jubin ? Attia ? Ensuite, c’est Alain, policier d’élite rencontré au Carré Blanc, également à la retraite, qui me raconte, un soir de joyeuse ambiance soulignée par un excellent vin de Bordeaux, l’histoire de Jean Jean, physionomiste bidon et petit voyou évoluant dans une Pigalle, peut-être en fin de règne mais dont l’ambiance est encore aux antipodes de celle vendue aux touristes.

Le premier confinement est passé, l’envie de faire des photos est évidente. Nous sommes en plein hiver, la nuit tombe vers 17 heures. Pourquoi ne pas photographier Pigalle aujourd’hui, quand il fait noir? Et ce, en noir et blanc ?

Trois livres sont devenus mes références sur Pigalle et ses fauves.

Les Grands Criminels, d’Alphonse Boudard. La plume, teintée de l’inimitable et célèbre accent parisien de l’écrivain (1925-2000), lui même ancien truand, raconte les exploits tristement célèbres de Pierrot le Fou, Jo Attia et de monsieur Bill. Le livre est épuisé mais on le trouve sur les sites spécialisés.

Pigalle : Entre Tapins et Truands, tome II, de Catherine Tardrew. J’ai commencé avec ce petit livre. Il décrit bien l’ambiance sombre des rues de Pigalle, et c’est en lisant ses pages que j’ai relevé les premiers endroits à photographier.

Pigalle, le roman noir de Paris, de Patrice Bollon. Pour moi, un chef d’oeuvre. Tout y est. Les bandits, les photos, les histoires, les films, les écrivains, les romans, tout, tout, tout. On le trouve dans les sites spécialisés. En plus, et ce n’est pas rien, c’est un beau livre.

Je ne pourrais pas terminer cette présentation sans parler des archives de Paris et surtout, des archives de la Police grâce à qui j’ai pu consulter des rapports de police de certaines affaires célèbres de l’époque. Henri Charrière, dit Papillon, notamment.

Si vous avez le temps, (re)découvrez le film de Jean-Pierre Melville : Bob le Flambeur, véritable road-movie fataliste et mélancolique dans ce Pigalle de voyous.

Depuis, j’essaye d’écrire régulièrement une nouvelle étape à ce voyage commencé il y maintenant deux ans. Car il s’agit bien d’un voyage, dans le temps et en noir et blanc, au coeur d’un Paris aujourd’hui disparu auquel je vous invite. Mais je vous préviens, ce ne sera pas de tout repos.

Il y aura des filles. De l’alcool. Et des salauds. De quoi faire un sacré Rififi à Pigalle.

Bon voyage.

4 réflexions sur “Du Rififi à Pigalle

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