À chaque fois que je passe à proximité de ce virage bien sec d’une des nombreuses pistes cyclables de l’île de Ré, il me vient toujours un souvenir de Lulu. Une de ses phrases dont elle a le secret…
C’est d’ailleurs là le principe de la mémoire associative, une chanson ancienne nous rappelant souvent une ombre féminine.
Il y a six ans, Lucie et moi pédalions sur cette piste. Nous commencions alors notre belle histoire. Nous parlions de choses et d’autres. Cependant, un sujet me préoccupait alors. Comment avouer à celle que je voulais mienne qu’à l’époque, je n’avais pas un rond ?
En approchant du virage – il est très sec, il faut vraiment ralentir – je me lance et me confesse. Mais, genre, la confession du Siècle…
« – Tu sais, Lucie, même les blés sont moins fauchés que moi… »
Lucie entend. Elle pédale, arrive vers le virage et freine pour bien le négocier. Juste avant qu’elle ne disparaisse de mon champ de vision, elle lance d’une voix joyeuse :
« – Tu sais, moi, l’argent… Tant qu’il y a la richesse du coeur ! »
Je freine à mon tour et commence la négociation du tournant en forme d’épingle à cheveux. Au même moment, un cycliste arrive dans mon champ de vision, faisant le chemin inverse. Il a entendu la réplique de Lucie et souriant, me dit alors que nous nous croisons :
« – Tout va bien, alors ! »
Depuis six ans, à chaque fois que nous roulons sur ce bout de piste cyclable, la phrase de ce cycliste inconnu résonne joyeusement dans ma mémoire. Si je pouvais le retrouver, je lui dirai juste :
« – Oui, tout va bien… »
I love you. All of you. And Lulu.